Lundi 11 août 2025, Donald Trump a franchi une ligne rouge en annonçant la prise de contrôle fédéral de la police de Washington et le déploiement de 800 militaires de la Garde nationale dans la capitale américaine. Une décision exceptionnelle qui fait polémique alors que les chiffres officiels montrent une baisse significative de la criminalité.

Un président qui dramatise la situation
Lors d’une conférence de presse solennelle à la Maison Blanche, Trump a dressé un tableau apocalyptique de Washington : “Notre capitale a été envahie par des gangs violents et des criminels assoiffés de sang, des foules errantes de jeunes sauvages, de maniaques drogués et de sans-abri”. Le président républicain a même comparé la criminalité de Washington à celle de Bagdad, Bogota ou Mexico.
Cette rhétorique alarmiste contraste pourtant avec la réalité des chiffres. “C’est devenu une situation d’anarchie complète et totale, et nous allons nous débarrasser des bidonvilles”, a affirmé Trump, invoquant l’article 740 de la loi sur l’autonomie locale (Home Rule Act) pour justifier sa prise de contrôle.
Les vraies statistiques contredisent Trump
Contrairement aux affirmations présidentielles, Washington connaît actuellement son plus bas niveau de criminalité violente depuis 30 ans. Les données officielles du département de la Justice révèlent des tendances encourageantes :
- Baisse de 32% des homicides en 2024 par rapport à 2023
- Diminution de 39% des vols sur la même période
- Chute de 53% des car-jackings
- Réduction de 27% des agressions armées
En 2025, la tendance se poursuit avec une baisse globale de 26% des crimes violents par rapport à l’année précédente. Les homicides ont reculé de 12% et les agressions sexuelles de 49%.

Un déploiement militaire controversé
Malgré cette amélioration de la situation sécuritaire, Trump a ordonné le déploiement de 800 membres de la Garde nationale, travaillant par équipes de 100 à 200 personnes. Les premiers soldats sont arrivés mardi au D.C. Armory pour leur mise en service.
“Ils n’ont pas vraiment reçu d’ordres de marche”, a confié un membre de la Garde nationale à ABC News. Leur mission reste floue : officiellement cantonnés à un rôle de soutien aux forces de l’ordre, ils peuvent néanmoins détenir temporairement des suspects avant de les remettre à la police.
Environ 850 agents fédéraux supplémentaires ont également été déployés dans la ville, incluant 130 agents du FBI. Ces forces ont déjà procédé à plus de 100 arrestations depuis le 7 août, pour des charges allant de l’homicide aux infractions liées aux stupéfiants.
Une maire démocrate sur la défensive
Muriel Bowser, maire démocrate de Washington, s’est montrée prudente dans sa réaction, qualifiant la décision de Trump “d’inquiétante et sans précédent”, tout en reconnaissant qu’elle n’était “pas totalement surprise” compte tenu de la rhétorique passée.

“Nous savons que l’accès à notre démocratie est fragile”, a déclaré Bowser, plaidant une nouvelle fois pour l’obtention du statut d’État pour Washington DC. La maire a également souligné que la ville avait atteint “une énorme diminution de la criminalité”, contredisant directement les affirmations présidentielles.
Lors d’une réunion virtuelle avec les leaders communautaires, Bowser a adopté un ton plus ferme : “C’est un moment pour la communauté de s’engager (…) pour protéger notre ville, maintenir notre autonomie et défendre notre Home Rule”.
Un statut particulier qui fragilise Washington
Washington DC dispose d’un statut unique aux États-Unis. Contrairement aux 50 États, la capitale fédérale n’a pas la même autonomie et dépend largement du Congrès pour son fonctionnement. Cette particularité permet au président d’invoquer l’article 740 du Home Rule Act pour prendre le contrôle de la police locale pendant 30 jours maximum, sauf prolongation votée par le Congrès.
Trump a d’ailleurs annoncé son intention de demander une extension : “Nous aurons besoin d’un projet de loi sur la criminalité (…) et nous chercherons des extensions à long terme car 30 jours ne suffisent pas”.

Une stratégie politique assumée
Cette opération s’inscrit dans une stratégie plus large. Trump a promis que son initiative “ira plus loin” et qu’il envisage des mesures similaires dans d’autres grandes villes démocrates comme Chicago, New York ou Los Angeles.
L’annonce intervient également dans un contexte particulier : plusieurs observateurs y voient une manœuvre de diversion pour détourner l’attention de dossiers sensibles comme l’affaire Epstein. Certains démocrates, comme le sénateur Chris Murphy, dénoncent “une tentative de supprimer la dissidence”.
Des précédents inquiétants
Ce n’est pas la première fois que Trump utilise la force militaire. En juin 2025, il avait déjà déployé 4 000 membres de la Garde nationale et 700 Marines à Los Angeles malgré l’opposition du gouverneur démocrate Gavin Newsom, qui avait engagé des poursuites judiciaires.
Cette militarisation des fonctions civiles soulève des questions juridiques importantes. “Nous ne croyons pas qu’il soit légal d’utiliser l’armée américaine contre des citoyens américains sur le sol américain”, a rappelé la maire Bowser.
Un avenir incertain pour l’autonomie locale
L’opération “Liberation Day in D.C.” comme l’a baptisée Trump, marque un tournant dans les relations entre le gouvernement fédéral et les autorités locales. 800 militaires dans les rues de la capitale, des checkpoints établis par les agents fédéraux, et une police municipale sous contrôle présidentiel : Washington vit une situation inédite.
Cette prise de contrôle, bien que temporaire, pose des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs et l’autonomie des gouvernements locaux face à un exécutif fédéral de plus en plus interventionniste. Pour les habitants de Washington, majoritairement démocrates, c’est un rappel brutal de leur statut politique particulier et de leur manque de représentation au Congrès.
L’avenir dira si cette “expérience” trumpienne sera étendue à d’autres villes ou si elle restera un épisode isolé de cette présidence décidément peu conventionnelle.